Qui n’a pas prévu d’investir dans un nouveau boitier, objectif ou accessoires ? Bien trop de photographes, étant passé au numérique, n’ont pas encore pris conscience de la nécessité d’adopter un bon système de gestion de la couleur (SGC). En effet, même si nos moyens et nos besoins diffèrent les uns des autres, comme dans toute chaîne graphique, appliquer une mauvaise gestion de la couleur, annihile notre travail, tant en amont qu’en aval…
Le but de cet article est de vous présenter succinctement la gestion de la couleur, afin que vous puissiez tenir compte du processus de reproduction fidèle des couleurs, ou du moins être conscient de vos limites et d’en limiter les conséquences.
Dans un premier temps, nous évoquerons quelques notions élémentaires puis, prochainement, nous aborderons la conversion et la mise en oeuvre du SGC sous photoshop et peut-être même la calibration de l’écran et du couple papier/imprimante.
Je ne rentrerai pas volontairement dans des descriptions trop techniques dans cette présentation. Si vous souhaitez pousser vos connaissances sur le sujet, je vous invite à consulter le site d’Arnaud Frich http://www.guide-gestion-des-couleurs.com/
Petit retour en arrière
Dans les années 80, l’apparition de la PAO et des premiers scanners dans l’imprimerie a posé pour la première fois le problème de la manipulation des fichiers images dit « pixels » dans un flux numérique. Réservé à des élites, chaque constructeur avait son propre système propriétaire, ce qui veut dire qu’il était impossible de faire cohabiter des périphériques entre eux. Je passe sur le prix qui dépassait bien souvent le million de francs… Il a toujours été question de l’impossibilité de faire « parler entre eux » les différents outils de la chaîne graphique.
Le monde de la photographie moderne a la chance de pouvoir compter sur le retour d’expérience de ces grandes sociétés d’imagerie (Agfa, Scitex, Adobe…) qui, durant de longues années, ont mis en œuvre un grand nombre de process. Il a fallu attendre Adobe Photoshop pour tenter de faire cohabiter des périphériques entre eux dans un logiciel « générique ».
En 1995, ces grandes sociétés unissent leurs efforts au sein d’un consortium « ICC » pour définir des standards. Désormais, des solutions techniques et des process existent pour tirer pleinement parti de la gestion des couleurs « Téti – Wysiwig » (tel écran, tel imprimé).
Tout serait parfait dans le monde de la gestion de la couleur si tous les écrans et les imprimantes pouvaient reproduire ou afficher toutes les couleurs qu’un être humain peut distinguer et en plus sans introduire de défauts ! Mais ce n’est malheureusement techniquement pas possible ou coûterait fort cher…
La couleur
La couleur n’a pas de réalité physique. Elle n’existe, dans notre cerveau, que parce que notre oeil est sensible à la lumière. Pourtant l’oeil voit bien toutes les couleurs du spectre visible. Voilà pourquoi on a inventé un modèle couleur RVB, pour nous caler sur le fonctionnement de l’oeil humain.
Un moniteur ou une imprimante ne travaillent pas avec les couleurs de la même manière : l’écran, comme l’œil, travaille avec des couleurs dites additives – RVB pour donner du blanc par addition alors qu’une imprimante travaille en mode soustractif – CMJ pour donner du noir par soustraction.
Avec une imprimante, on part d’une feuille de papier déjà blanche par défaut car elle réfléchit à parts égales toutes les longueurs d’onde de la lumière visible. Donc là, c’est le contraire, si l’on veut du noir il va falloir projeter sur cette feuille de l’encre aux couleurs complémentaires, c’est-à-dire Cyan, Magenta et Jaune qui ont la particularité d’absorber à chaque fois une partie de la lumière visible. Dans la pratique il faudra aussi rajouter de l’encre Noire car 100% des trois autres couleurs ne permettent pas d’obtenir un noir profond à cause des impuretés contenues dans les encres mais un brun très foncé.
Une couleur sera notée – 158, 128, 84 – en RVB (de 0 à 255) et – 80%, 64%, 21%, 12% – en CMJN.
Le gamma
C’est tout simplement une courbe mathématique (une fonction) qui permet de connaître le lien – la corrélation – qu’il y a entre un signal émis et la réponse d’un capteur, par exemple notre oeil. Notre oeil a cette particularité singulière de ne pas avoir la même sensibilité en faible lumière et en haute lumière. Un même écart de luminosité (par exemple 10 lumens) sera perçu dans un environnement sombre mais pas ou à peine dans un environnement plus clair. Si vous allumez une deuxième bougie dans une pièce sombre, vous verrez plus de lumière alors que cela passera totalement inaperçu dans une pièce en plein jour. Or vous aurez dans les deux cas apporté la même quantité de lumière en plus.
Enfin il faut également noter que cette non linéarité est différente selon les environnements lumineux, donc « son gamma » diffère selon les ambiances lumineuses.
Contraste et environnement lumineux : les deux carrés gris ont pour valeurs RVB 160 et 100 sur fond blanc à gauche et noir à droite. On met clairement en évidence que le contraste entre ces deux carrés est supérieur sur fond blanc !
Si j’envoie vers mon oeil un signal lumineux situé exactement entre 0 et 255 donc à 128, (niveaux mini et maxi qu’il peut voir), il aura la sensation de voir un gris plutôt foncé autour de 0,2 sur une échelle de 0 à 1 et non 0,5 comme on pourrait le penser. On applique donc cette correction aux signaux que l’on envoie aux cartes graphiques pour s’adapter à cette particularité de l’oeil.
Seuls les fichiers bruts – RAW – des APN possèdent un gamma de 1 car leurs capteurs possèdent une réponse linéaire à la lumière qu’ils reçoivent. Cela est important à savoir si l’on photographie en RAW.
Les espaces
Si notre oeil a la possibilité de distinguer toutes les couleurs, chaque périphérique « voit » ou « imprime » dans un espace colorimétrique (appelé aussi espace coloré ou gamut) qui lui est propre. Un espace couleurs représente donc un ensemble de couleurs visible par un être humain ou un appareil.
Les espaces « indépendant des périphériques », (normalisés par l’ICC). Il s’agit des modèles comme :
- Le modèle Lab (représentation du spectre visible), cet espace couleurs absolu qui est utilisé par Photoshop comme plaque tournante de toute la gestion des couleurs dans ce logiciel. L’espace Lab décrit avec des valeurs L, a et b. L pour le niveau de luminosité (de 0 à 100), a pour la couleur du rouge au vert et b pour la couleur du bleu au jaune (-128 à +127).
- sRGB / Adobe RGB / ProPhoto / EciRGB
Ces espaces sont neutres car ils ont été calculés par la main de l’homme.
Les espaces « dépendants des périphériques » : Ce sont des modèles permettant de visualiser les couleurs utilisables ou reproductibles par un outil donné. Ils sont caractérisés à l’aide d’une sonde ou d’un spectrophotomètre lors de la calibration du périphérique. Ils sont matérialisés sous forme de fichier colorimétrique « profils ICC ». Tous les périphériques possèdent leur propre espace de couleurs, tous peuvent être caractérisés, que ce soit des périphériques d’acquisition (scanner, appareil photo), de visualisation (écran, vidéoprojecteur) ou d’impression (attention, concernant les imprimantes, il s’agira de procéder à la calibration du couple papier/encre et imprimante, pour une même imprimante, chaque papier devra faire l’objet d’une caractérisation)
En conclusion
Une des « missions » de la gestion des couleurs est donc de faire retranscrire les mêmes couleurs telles que vues par un œil normal – on parle alors de couleur Lab – par des appareils qui possèdent un espace plus ou moins grand et des « défauts ». Si je prends l’exemple d’une imprimante, la difficulté sera d’imprimer toutes les couleurs de mon image affichées à l’écran et vues par mon APN alors que normalement celle-ci ne sait pas le faire avec ses encres CMJN. C’est pourquoi il existe des outils appelés outils de conversion ou SGC et des profils ICC comme nous le verrons prochainement.
La gestion des couleurs sert à déterminer à quelles couleurs Lab – les « vraies » couleurs perçues par un œil moyen – correspondent les valeurs RVB ou CMJN d’un périphérique. Et bien sûr à conserver cette couleur perçue d’un périphérique à un autre – qu’il puisse ou pas reproduire cette couleur a priori – Le tirage final doit ressembler au niveau des sensations visuelles à la scène photographiée ou à l’original. Les outils de la gestion des couleurs « savent » donc convertir les valeurs RVB d’un périphérique en d’autres valeurs RVB -correspondant à la même couleur Lab- mais pour un autre périphérique (en corrigeant au passage ses défauts). Quand le périphérique de destination ne sait pas le faire, ces mêmes outils savent s’en rapprocher au maximum afin que l’impression visuelle soit la plus proche possible de l’original.
Ce qu’il faut retenir
Comme nous le verrons prochainement avec la conversion, les systèmes de gestion de la couleur imbriqués dans nos logiciels visent à rendre les couleurs plus prévisibles (dans la limite des possibilités des périphériques utilisé. Ils traduisent les couleurs pour chaque périphérique, en utilisant un espace coloré indépendant (Lab) et des profils pour chaque périphérique.
Toutefois, ce qu’il faut retenir, c’est que la seule façon de ne plus se dire « Ce n’est pas la bonne couleur ! » nécessite un minimum d’investissement. Car, vous ne pourrez pas demander à votre SGC de convertir des nuances Adobe RGB sur votre écran sRGB sans conséquences. Personnellement (je m’engage car je ne supporte pas de ne pas être fidèle à mon écran), si on travaille sur un écran sRGB, il ne faut pas prétendre voir toutes les nuances contenues dans vos photos. Toutes les nuances hors gamut sRGB de vos photos ne pourrons pas être toutes fidèles puisqu’elles ne sont pas visibles par votre écran ! Tous vos clichés n’ont pas de nuances qui sont hors gamut sRGB, suivant vos sujets il s’agit peut-être même de minorités, mais faites l’essai sur un écran à large spectre et on en reparle… (les constructeurs atteignent aujourd’hui des dalles aux performances au-delà du Adobe RGB en allant progressivement mais sûrement vers le ProPhoto…).
4 Réponses
Nicolas
Très intéressant ton article.
Merci.
Beatrice
Oui merci Laurent, même si il va falloir que je le relise pour tout assimiler, un peu compliqué pour ma petite tête pas très tehnique
J’en profite pour remercier Aaron et Christophe pour leurs articles
Laurent
Je sais bien Béatrice. Même si j’ai essayé de simplifier, je ne pouvais faire l’impasse sur un peu de théorie. Certains auraient trouvé ça trop basique. Cependant, le prochain article sur la conversion permettra de mieux comprendre car plus concret. C’est pour bientôt. Je suis en ce moment sur le mode d’emploi de la galerie.
Chris R.
Merci pour cet article.